jeudi 8 octobre 2009

8 octobre 1953 Décès de Kathleen Ferrier

Kathleen Ferrier naît le 22 avril 1912 dans le Lancashire, troisième enfant de William et Alice Ferrier et dont la soeur Win (Winifred) restera la plus proche amie jusqu'à la fin de sa vie. On ne roule pas sur l'or dans cette famille mélomane qui subit comme tout le monde la gêne financière chronique de l'entre-deux-guerres. Si la vive et intrépide Kathleen apprend le piano avec succès et récolte de nombreux prix, elle doit cependant quitter l'école à 14 ans pour aider ses parents et devient tour à tour télégraphiste et standardiste à la Poste ! Ce qui ne l'empêche pas de poursuivre ses cours de piano, de s'adonner au ping-pong, au tennis, à la natation et au golf ! Elle épouse en 1935 Bert Wilson, un ami d'enfance mais la camaraderie n'étant pas l'amour... le mariage est annulé quelques années plus tard. Entre temps, s'apercevant qu'elle peut et aime chanter, elle participe aux tournées du CEMA (Conseil pour l'Encouragement de la Musique et des Arts) qui donne des concerts d'excellente qualité aux armées et dans les usines. C'est une rude école car il faut voyager dans de très mauvaises conditions et par tous les temps, mais la bonne humeur et l'entrain de Kathleen, communicatifs, ne se laissent jamais entamer. Son professeur de chant, le Dr Hutchinson, lui obtient d'ailleurs une Bourse et elle sillonne ainsi l'Angleterre de 1940 à 1943. L'imprésario Tillett l'engage, elle s'installe à Londres avec son père et sa soeur pendant l'hiver 43 (le Général de Gaulle est leur voisin !) et prend des cours de chant avec Roy Henderson, professeur à l'Académie Royale de Musique, impressionné par la "robustesse exceptionnelle de sa voix". Le 17 mai 1943 marque son premier succès public : elle chante à l'abbaye de Westminster Le Messie de Haendel, aux côtés de Peter Pears. Elle y rencontre les pianistes Gerald Moore et Phyllis Spurr qui seront de fidèles accompagnateurs ainsi que le chef Barbirolli, qui deviendra l'un de ses plus proches amis. Sa carrière est lancée, son répertoire se précise peu à peu : l'oratorio, Bach, Haendel, la musique anglaise et déjà Brahms et Schumann. Elle enregistre également ses premiers disques.

En 1946, Peter Pears l'ayant présentée à Britten subjugué, elle crée à Glyndebourne Le Viol de Lucrèce, bien qu'elle se sente gauche et maladroite sur une scène d'opéra. Un mauvais Carmen l'en dégoûtera totalement. Pourtant, elle endosse le rôle d'Orphée (qui deviendra un de ses rôles mythiques) dans l'opéra de Gluck l'année suivante à Glyndebourne, après avoir chanté Mahler pour la première fois sous la direction d'un Bruno Walter conquis. En 1948 s'enchaînent les tournées aux Etats-Unis, aux Pays-Bas, en Scandinavie, en Angleterre. Sans doute les années 1949-1951 sont-elles les plus importantes: une nouvelle tournée américaine, la rencontre du pianiste John Newmark, un séjour en Hollande (marqué par l'Orfeo et la création de la Spring Symphony de Britten), Salzbourg, Das Lied von der Erde sous la direction de B. Walter, le festival d'Edimbourg avec le même Walter au piano, un triomphe aux Etats-Unis, des concerts Bach à Vienne avec Karajan, de nouveau le Festival d'Edimbourg et des enregistrements légendaires : les Kindertotenlieder avec Walter, Frauenlieben und leben de Schumann, Les Vier ernste Gesänge avec John Newmark.

Sa vie privée indique le choix de la solitude amoureuse, elle rompt avec Rick Davis, antiquaire de Liverpool en 1951 une liaison débutée en 1948. La même année, la découverte d'un cancer l'oblige à l'ablation d'un sein, et à d'astreignantes séances de rayons pour vaincre les métastases. Par miracle, sa voix est intacte et elle peut chanter la Messe en Si à l'Albert Hall. L'été 1951 la conduit à de nouvelles séances de rayons, la maladie évolue dans d'épuisantes souffrances. Pourtant, elle entreprend en 1952 une tournée avec Britten, enregistre un sublime Das Lied von der Erde au fil d'éprouvantes séances et chante encore Orphée sur scène le 6 février 1953 bien que la douleur la paralyse au dernier acte. Ce sera sa dernière apparition sur scène.

Après avoir lutté sans rémission 8 mois encore, elle s'éteint le 8 octobre 1953, veillée par sa sœur, après avoir été assistée jusqu'au bout de John Barbirolli et de quelques intimes.

"La figure de cette artiste morte prématurément appartient à la légende musicale de notre siècle. Elle évoque, aux côtés du pianiste Dinu Lipatti et de la violoniste Ginette Neveu, l'image rilkéenne d'un ange foudroyé, dont l'absence et le souvenir ne cessent de nous hanter. " extrait de La Voix de Kathleen Ferrier, de Benoît Mailliet.

Où que l'on se tourne, musiciens, mélomanes et critiques sont unanimes et les qualificatifs les plus élogieux reviennent identiques et passionnés pour essayer de cerner la voix, l'art et l'humanité de Kathleen Ferrier. "La voix est l'individu" affirmait le ténor Peter Pears. "Chez Kath, sa personnalité était tout entière dans sa voix, qu'elle chantât le plus simple des refrains, le plus tragique lied de Mahler, ou la partie d'alto du Messie. Grandeur, pureté, somptueuse et large voix de vrai contralto, humilité devant la musique, disponibilité d'esprit, puissant pouvoir d'émotion, souffle superbement tenu, pudeur, plénitude du son, sincérité de l'expression. Et cette fragilité dans le léger vibrato de la voix, cette vulnérabilité que l'ombre tient captive, cette densité de la douleur qui chante la lumière!"

Voici Kathleen Ferrier dans Der Abschied (l'Adieu) extrait de Das Lied von der Erde (les Chants de la Terre) de Gustav Mahler dans un enregistrement exceptionnel et historique dirigé par son cher Bruno Walter:
partie 1
http://www.youtube.com/watch?v=-LE48mLGBdI&feature=channel_page&fmt=18
partie 2
http://www.youtube.com/watch?v=vnTPint9LJY&feature=related&fmt=18
partie 3
http://www.youtube.com/watch?v=92jYr_8f-vU&feature=related&fmt=18
partie 4
http://www.youtube.com/watch?v=vwzCtlfZbKU&feature=related&fmt=18

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